Faux amis ?!

2 février 2013

Alors comme ça, il paraîtrait que les Français seraient nuls en langues étrangères ?!

Réputation non usurpée, si l’on en croit les prestations de nos chers hommes politiques, dont la maîtrise plus que hasardeuse de la langue de Shakespeare menace régulièrement de relancer la Guerre de cent ans.

Le rattachement de l’île au continent par rails et béton n’aura pas suffi à apaiser nos difficiles relations linguistiques. Un camarade de promo, désireux de mettre à profit un séjour en Angleterre pour réchauffer les relations entre les deux rives du Channel, en fit la cruelle expérience… Si seulement il avait su que « corpse » ne signifiait pas « corps », mais « cadavre », sans doute aurait-il hésité à saluer cette frêle demoiselle d’un admiratif « what a beautiful corpse ! » qui marqua la fin aussi brutale que prématurée d’un possible rapprochement franco-britannique.

Et ceux qui, comme moi, ne connaissent de la langue allemande que les quelques répliques phares de La grande vadrouille, imagineront aisément l’effroi de ma chère sœur lorsqu’elle se figura, à l’occasion d’un voyage scolaire, avoir dégusté une terrine de caniche, alors que c’est un malheureux lapin (« kaninchen ») qui avait fait les frais de l’opération.

Quiproquo également au menu des échanges franco-ibériques quand, après une journée harassante, je ne pardonnai pas à mes hôtes, pourtant sympathiques jusqu’alors, de me proposer une tartine de miel maison, remède prétendument miracle pour les personnes « débil » *…

Faute de pouvoir comprendre et être compris hors de l’Hexagone, la tentation peut alors être grande d’effectuer un stratégique repli national pour se préserver de ces dangereux « faux amis ».

Grave erreur… La menace est partout !

Fraîchement arrivée en Alsace de mon Limousin natal, il me fallut bien admettre que parler (a priori) la même langue n’était pas nécessairement un gage de bonne compréhension et que le français que je pratiquais n’avait rien d’universel.

C’est ainsi que je découvris qu’à Mulhouse, lorsqu’un garçon de café vous dit « Service ! », il ne vous réclame pas un pourboire (honte à moi !!!), mais vous remercie, tout simplement. Ou que quand l’un de vos collègues, vous voyant navrée d’apprendre que la voiture du théâtre est en panne, vous invite gentiment, pour vous réconforter, à l’accompagner dans le garage pour qu’il vous « prenne derrière dessus », il n’envisage rien d’olé olé, mais souhaite seulement vous conduire à votre rendez-vous sur le porte-bagage de son vélo…

Je me souviens aussi du fameux jour où j’ai demandé à Pierrot et Simone, tous deux haut-rhinois, rencontrés de fraiche date, s’ils connaissaient un chouette endroit pour goûter les spécialités locales. Ils me donnèrent sans hésiter une adresse (que je notai phonétiquement, ne maîtrisant qu’imparfaitement les consonances locales), me conviant à les y rejoindre quelques jours plus tard. C’est ainsi que j’atterris, par un glacial soir d’hiver alsacien, dans une petite rue déserte d’un quartier pavillonnaire. Rien aux alentours susceptible de ressembler, de près ou de loin, à un restaurant. Après une demi-heure passée à arpenter en vain les environs et à pester contre ces noms de rue truffés de schw, de rtz et autres sheim inassimilables par un esprit « normal », je me résolus finalement à appeler mes convives pour leur avouer que j’étais bel et bien perdue. C’est alors qu’à ma gauche, une porte s’ouvrit : Simone et Pierrot étaient là, tout sourire, qui m’accueillaient sur le seuil de leur maison. Quelqu’un avait-il parlé de restaurant ? Le « chouette endroit », c’était là ! Et ce fut la première d’une longue série de soirées inoubliables…

Enfin bref, qu’importent les « faux amis »… Les vrais, c’est au-delà des mots qu’on les reconnaît…

* Ah, qu’est-ce que je disais?! (cf.1^ère phrase de l’article). Je vous y prends, chenapans, à vous ruer sur vos logiciels de traduction « español – français » pour saisir la vanne !!!